En réaction à ma précédente brève sur l'injonction à la positivité, certains peuvent se demander : "que faire quand quelqu'un me dit quelque chose de négatif? (sur le monde, sur ce qu'il ressent,...)"
Tout d'abord, le qualificatif "négatif" que vous attribuez à ce que vous partage cette autre personne est subjectif, il dépend de votre jugement personnel. Si, par exemple, cette personne vous dit qu'elle trouve que le système éducatif est déplorable en France, pourquoi jugez-vous cela de négatif? En quoi vous est-il difficile d'entendre une critique négative sur ce sujet? Voyez-vous que la critique négative permet de mettre en lumière certaines failles et ainsi de pouvoir y remédier? On ne peut pas trouver une solution à un problème si on ne le regarde pas déjà en face.
Si vous êtes tenté.e de lui répondre "ce n'est pas si déplorable, c'est mieux que dans d'autres pays, il faut voir le verre à moitié plein, etc..." du tac au tac, demandez-vous si ce n'est pas une façon de fuir certaines émotions ainsi éveillées chez vous lorsque vous entendez ce que l'autre vous partage. Êtes-vous mal à l'aise à entendre une critique, ou quoique ce soit de "négatif" ou êtes-vous calme et curieux d'en savoir plus sur ce que l'autre vous partage à ce sujet?
Et si l'autre vous partage un ressenti émotionnel négatif qui le touche particulièrement, qu'il vous dit par exemple "je me sens triste, je vis quelque chose de difficile, je n'en peux plus", demandez-vous comment vous vous sentez à entendre cela? Avez-vous le réflexe de vouloir minimiser la raison de sa tristesse? (exemple : "mais non, ce n'est pas si grave, ça va aller, il y a pire")? Ou de lui proposer directement des solutions, ou de vouloir lui changer les idées pour ainsi l'empêcher de ressentir cette tristesse? Ou carrément avez-vous le réflexe de fuir la situation?


Dans ce cas, il y a effectivement quelque chose en vous qui vous empêche d'accueillir simplement le ressenti négatif de l'autre. Une personne qui ressent une émotion difficile a besoin d'une écoute compatissante, et minimiser ce qu'elle ressent ou vouloir vite trouver une solution pour qu'elle aille mieux lui transmet le message qu'elle n'a pas à ressentir cela. Tandis que l'accueil de l'émotion avec compassion (en lui disant par exemple: "je comprends ce que tu ressens, cela doit être difficile", ou avec une simple présence compatissante) lui permet de se sentir accueillie, non jugée.
Cette personne peut alors exprimer ce qu'elle a sur le cœur, en toute confiance, et ceci est la 1ère étape incontournable pour l'aider à se sentir mieux, et à trouver par elle-même des solutions à sa situation difficile. Bien sûr si elle vous demande elle-même de l'aider à trouver des solutions, là vous pouvez lui en proposer ;-)
! Attention ! Vous ne pouvez pas faire semblant d'apporter de la compassion à l'autre si vous n'en ressentez pas véritablement. L'autre ressent cela, au-delà des mots. Mais vous pouvez déjà prendre conscience de ce qui se passe en vous (le fait que vous jugiez l'autre, que vous vouliez à tout prix le sauver,...) qui vous empêche de ressentir de la compassion pour l'autre. Demandez-vous pourquoi vous ressentez cela, avez-vous peur de quelque chose? Cela vous rappelle-t-il une expérience malheureuse de votre passé? *
Imaginez maintenant que l'autre vous partage un ressenti négatif concernant une situation qui vous concerne personnellement. C'est d'autant plus difficile de rester à l'écoute - sans jugement ni rejet de l'émotion de l'autre – quand nous sommes nous-mêmes stimulés (qu'une blessure est activée en nous par ce que nous partage l'autre). Pourtant, l'autre parle soit de son ressenti personnel - et pas vraiment de nous - soit nous adresse une critique légitime.
Si il vous est généralement difficile d'entendre des choses "négatives" même lorsque cela ne vous concerne pas personnellement, cela peut être d'autant plus difficile lorsque cela vous concerne. Pourtant, il est inévitable de parler de nos ressentis négatifs, surtout dans nos relations avec nos proches. Notre proximité augmente les risque de toucher à certaines limites, certaines différences, certaines blessures, frustrations et insatisfactions.
Et en parler est nécessaire pour mieux se comprendre et trouver des solutions pour mieux vivre ensemble.
Si vous sentez que vous voulez fuir ou minimiser ce que vous partage l'autre, c'est que quelque chose en vous vous protège ainsi. Prenez le temps de rencontrer ce quelque chose, de l'écouter, demandez-lui de quoi il a peur pour vous quand il réagit ainsi.*
En étant davantage à l'écoute de vos propres ressentis négatifs, sans jugement et avec compassion, vous parviendrez à accepter ceux de l'autre.
! Attention ! Tout comme pour la compassion envers l'autre, il n'est pas possible de forcer la compassion envers nos propres émotions. Il peut y avoir d'autres "quelques choses" en vous qui sont dérangés par vos propres émotions négatives.* Souvent, lorsque nous avons du mal à entendre les ressentis négatifs des autres, c'est que nous avons du mal à ressentir et entendre nos propres ressentis négatifs, de façon compréhensive et compatissante.
!! Précision !! Si l'autre vous "partage" son ressenti négatif de façon violente, psychologiquement (menaces, insultes, humiliation, cris, négligence, irrespect de vos limites et vos besoins), ou physiquement --> fuir est dans ce cas une protection bénéfique, et vous mettre en sécurité est la priorité devant le fait d'apporter de la curiosité , de la compréhension ou de la compassion à l'autre !
Plus vous rencontrez vos propres ressentis négatifs, plus vous serez à l'aise avec ceux des autres. Et plus vous en ferez des forces pour améliorer ensemble votre relation, mais aussi pour améliorer la société toute entière par voie de conséquence.

« Le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent sans rien faire.» ~Albert Einstein
« Ce qui m'effraie, ce n'est pas l'oppression des méchants ; c'est l'indifférence des bons. » ~Martin Luther King
* Et si vous en ressentez le besoin, faites appel à un praticien ou thérapeute pour rencontrer et aider ce qui en vous vous empêche de ressentir de la compassion pour vous-même ou pour l'autre. Je suis praticienne de la méthode Internal Family Systems et je peux vous y aider. Retrouvez toutes les informations sur cette méthode ici, et le formulaire pour me contacter plus bas.
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